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C'est également à Rome que le jeune GOUNOD
rencontrera Fanny HENSEL soeur de Félix MENDELSSOHN.
Cette rencontre fut de toute première importance.
Hôtes assidus de la Villa Médicis, Fanny et son
mari le peintre HENSEL côtoyaient les pensionnaires,
surtout les musiciens, "nos français", disait-elle.
Dans son journal elle dépeint GOUNOD comme un artiste
brûlant d'une flamme juvénile. "Peu de
personnes savent plus sincèrement et plus follement
s'amuser que lui. Jamais de fatigue, jamais de repos. S'il
fait clair de lune, on part en bande vers les bois ou vers
le Forum et le Colisée. GOUNOD grimpé sur un
acacia, nous jette des branchages fleuris. Nous entonnons en
choeur un concerto de Bach et marchons en cadence à
travers Rome. Nous désapprenons à dormir" Fanny était l'âme de ce petit groupe.
Pianiste admirable, le soir et fort avant dans la nuit elle
interprétait les compositeurs allemands, et GOUNOD,
qui pourtant croyait les connaître, en recevait par
elle une révélation foudroyante. GOUNOD
baisait les mains de Fanny avec transport, "Un pareil
auditeur est une bonne fortune" écrira-t-elle, "Il se
trouve toujours à cours d'expression quand il veut me
faire comprendre quelle influence j'exerce sur lui et
combien ma présence le rend heureux". Le 30 mai 1840,
le départ approche. "Je me sentais très lasse
et découragée. Pour ne pas fondre en larmes,
je me suis mise au piano et j'ai joué l'allegro de la
sonate en la majeur de BEETHOVEN. GOUNOD implorait à
genoux la faveur d'entendre l'adagio de la même
sonate". Enfin, résumant les impressions de GOUNOD:
"Notre musique allemande produit sur lui l'effet d'une bombe
qui éclaterait dans une maison. Jugez du
désarroi". Si brève qu'ait été cette rencontre
unique, elle ne devait pas être vaine. Elle
révéla de secrètes sympathies et
prépara des analogies futures. Pour la
première fois peut-être, elle établit le
contact, le courant entre la musique allemande et la musique
française. Autant que du MOZART, sinon davantage, on
trouvera un jour du MENDELSSOHN dans le GOUNOD profane et
dans le GOUNOD religieux. Ce sera notamment le cas avec la
deuxième symphonie en mi bémol écrite
à l'instigation de MENDELSSOHN lorsque GOUNOD
retourne voir les HENSEL à Berlin. C'est d'ailleurs
à cette occasion que heureusement sans succès,
Félix MENDELSSOHN tentera de dissuader GOUNOD de
s'attaquer à Faust jugeant cette entreprise au dessus
des forces humaines. C'est assurément MENDELSSOHN qui
fit entrevoir à GOUNOD des horizons nouveaux en
matière d'orchestration, domaine peu enseigné
à l'époque au Conservatoire de Paris, bien
qu'il faille noter que le jeune GOUNOD fut formé
à la méthode allemande du contrepoint par
Antoine REICHA, originaire de Prague, qui vécut
à Hambourg et connu BEETHOVEN. Retournons un moment
à Rome. Le Faust de Goethe était le sujet de
longues discussions avec Fanny HENSEL. Elle analysait pour
lui le caractère particulier de chacun des
héros du roman: Faust,
Méphistophélès et surtout la tendre
Marguerite, "portrait de la jeune fille allemande", disait
elle. GOUNOD écrira à sa mère: "Je
rêvais à Marguerite, je m'identifiais à
elle, son image frappait continuellement mon coeur, je
n'aspirais qu'à me trouver dans sa patrie". Ceci
explique qu'après la création de Faust
à Darmstadt en 1861 un journaliste écrivit:
GOUNOD n'est pas français, sa composition ne porte
pas le caractère des Écoles françaises
ou italiennes modernes, mais bien celui de l'Ecole allemande
dans laquelle il s'est élevé et
développé". Lors de la création de Faust à Hambourg et
à Hanovre, en 1863, GOUNOD écrira à sa
femme: "Le roi de Hanovre m'a beaucoup remercié
d'avoir écrit Faust en me disant qu'il n'aurait
jamais pensé qu'un français aurait pu entrer
à ce point dans l'esprit et la conception de GOETHE".
Telle ne sera pas l'opinion de Richard WAGNER qui parlera de
"parodie de notre Faust allemand". Ce qui fera dire à
GOUNOD "Chez Richard WAGNER tout repose sur l'orchestre. Moi
je mets au premier plan le chant, la mélodie, la
partie vocale. L'orchestre la soutient, l'étoffe, la
colore sans jamais la dominer". Fanny HENSEL fut sans aucun doute une femme qui compta beaucoup pour Charles GOUNOD. Sans elle quelle forme aurait eu notre Faust, aurait-il même vu le jour ?
Jean-Pierre GOUNOD | ||
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