Fanny HENSEL (1815-1847)

 

 

C'est également à Rome que le jeune GOUNOD rencontrera Fanny HENSEL soeur de Félix MENDELSSOHN. Cette rencontre fut de toute première importance. Hôtes assidus de la Villa Médicis, Fanny et son mari le peintre HENSEL côtoyaient les pensionnaires, surtout les musiciens, "nos français", disait-elle. Dans son journal elle dépeint GOUNOD comme un artiste brûlant d'une flamme juvénile. "Peu de personnes savent plus sincèrement et plus follement s'amuser que lui. Jamais de fatigue, jamais de repos. S'il fait clair de lune, on part en bande vers les bois ou vers le Forum et le Colisée. GOUNOD grimpé sur un acacia, nous jette des branchages fleuris. Nous entonnons en choeur un concerto de Bach et marchons en cadence à travers Rome. Nous désapprenons à dormir"

Fanny était l'âme de ce petit groupe. Pianiste admirable, le soir et fort avant dans la nuit elle interprétait les compositeurs allemands, et GOUNOD, qui pourtant croyait les connaître, en recevait par elle une révélation foudroyante. GOUNOD baisait les mains de Fanny avec transport, "Un pareil auditeur est une bonne fortune" écrira-t-elle, "Il se trouve toujours à cours d'expression quand il veut me faire comprendre quelle influence j'exerce sur lui et combien ma présence le rend heureux". Le 30 mai 1840, le départ approche. "Je me sentais très lasse et découragée. Pour ne pas fondre en larmes, je me suis mise au piano et j'ai joué l'allegro de la sonate en la majeur de BEETHOVEN. GOUNOD implorait à genoux la faveur d'entendre l'adagio de la même sonate". Enfin, résumant les impressions de GOUNOD: "Notre musique allemande produit sur lui l'effet d'une bombe qui éclaterait dans une maison. Jugez du désarroi".

Si brève qu'ait été cette rencontre unique, elle ne devait pas être vaine. Elle révéla de secrètes sympathies et prépara des analogies futures. Pour la première fois peut-être, elle établit le contact, le courant entre la musique allemande et la musique française. Autant que du MOZART, sinon davantage, on trouvera un jour du MENDELSSOHN dans le GOUNOD profane et dans le GOUNOD religieux. Ce sera notamment le cas avec la deuxième symphonie en mi bémol écrite à l'instigation de MENDELSSOHN lorsque GOUNOD retourne voir les HENSEL à Berlin. C'est d'ailleurs à cette occasion que heureusement sans succès, Félix MENDELSSOHN tentera de dissuader GOUNOD de s'attaquer à Faust jugeant cette entreprise au dessus des forces humaines. C'est assurément MENDELSSOHN qui fit entrevoir à GOUNOD des horizons nouveaux en matière d'orchestration, domaine peu enseigné à l'époque au Conservatoire de Paris, bien qu'il faille noter que le jeune GOUNOD fut formé à la méthode allemande du contrepoint par Antoine REICHA, originaire de Prague, qui vécut à Hambourg et connu BEETHOVEN. Retournons un moment à Rome. Le Faust de Goethe était le sujet de longues discussions avec Fanny HENSEL. Elle analysait pour lui le caractère particulier de chacun des héros du roman: Faust, Méphistophélès et surtout la tendre Marguerite, "portrait de la jeune fille allemande", disait elle. GOUNOD écrira à sa mère: "Je rêvais à Marguerite, je m'identifiais à elle, son image frappait continuellement mon coeur, je n'aspirais qu'à me trouver dans sa patrie". Ceci explique qu'après la création de Faust à Darmstadt en 1861 un journaliste écrivit: GOUNOD n'est pas français, sa composition ne porte pas le caractère des Écoles françaises ou italiennes modernes, mais bien celui de l'Ecole allemande dans laquelle il s'est élevé et développé".

Lors de la création de Faust à Hambourg et à Hanovre, en 1863, GOUNOD écrira à sa femme: "Le roi de Hanovre m'a beaucoup remercié d'avoir écrit Faust en me disant qu'il n'aurait jamais pensé qu'un français aurait pu entrer à ce point dans l'esprit et la conception de GOETHE". Telle ne sera pas l'opinion de Richard WAGNER qui parlera de "parodie de notre Faust allemand". Ce qui fera dire à GOUNOD "Chez Richard WAGNER tout repose sur l'orchestre. Moi je mets au premier plan le chant, la mélodie, la partie vocale. L'orchestre la soutient, l'étoffe, la colore sans jamais la dominer".

Fanny HENSEL fut sans aucun doute une femme qui compta beaucoup pour Charles GOUNOD. Sans elle quelle forme aurait eu notre Faust, aurait-il même vu le jour ?

 

Jean-Pierre GOUNOD

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