Victoire LEMACHOIS (1780-1858)

portrait

La première femme qui compta dans la vie de GOUNOD portait comme nom de jeune fille celui de Victoire LEMACHOIS. Qui était Victoire ? Elle était sa mère.
GOUNOD lui voua une affection et une reconnaissance de tous les instants.

"Aimez-la bien, car elle m'a tant aimé que nous ne serons pas trop de deux pour le lui rendre", écrira-t-il à sa fiancée.

Il serait injuste de passer sous silence son père, François-Louis, peintre et dessinateur de talent qui quitta ce monde alors que son fils n'avait que cinq ans.

Victoire, dès l'âge de onze ans, donnait des leçons de piano pour subvenir aux besoins de sa famille dont la Révolution avait rendu la vie précaire. Formée par le violoniste allemand HULLMANDEL, devenue veuve, elle reprendra à quarante-trois ans le métier de sa jeunesse. "Ma mère, qui avait été ma nourrice, m'avait certainement fait avaler autant de musique que de lait. Jamais elle ne m'allaitait sans chanter et je peux dire que j'ai pris mes premières leçons sans m'en douter et sans avoir à leur donner cette attention si pénible au premier âge et si difficile à obtenir des enfants".

Observant l'éveil précoce de son fils à la musique, Victoire ne fut pas sans en éprouver une certaine inquiétude. La dureté de la vie lui avait fait espérer que Charles entrerait dans la carrière militaire, ou sinon dans le notariat, son père ayant été avocat au Parlement de Normandie. Il en fut autrement. Victoire s'inclina devant la ferme volonté exprimée par son fils de se consacrer à la musique. Il avait treize ans.

Le premier mérite de Victoire avait été de donner le jour à un fils tel que Charles, mais elle ne le savait pas. Son deuxième mérite fut de reconnaître en son fils l'étoffe d'un véritable musicien. Son troisième mérite fut de percevoir très tôt le penchant de son fils pour la vie ecclésiastique. Sans l'attaquer de front, elle sut le mettre en garde contre les appels du Père LACORDAIRE, et lui écrivit à Rome: "à moins que tu n'aies décidé dans ta tête et dans ton coeur de te faire dominicain, ce que je ne crois guère propre à ta nature passionnée, tiens-toi sur tes gardes et déclare toi bien franchement artiste qui a des sentiments religieux, mais non religieux de pratiques multiples, qui veut se réserver d'être artiste..."

Elle avait eu la finesse de mettre dans les bagages du jeune Charles en partance pour Rome, le ''Faust" de Goethe, traduit par Gérard de Nerval. Plus tard, le retour à Paris approchant, elle lui demandera: "Je ne sais de quel côté tu désireras loger lorsque tu reviendras. Sera-ce près des Missions où près de l'Opéra ?". Quelle délicatesse dans l'affectueuse insistance à regarder les problèmes en face ! GOUNOD suivra néanmoins des cours de théologie sous l'habit ecclésiastique, mais il écrira: "Je m'étais étrangement mépris sur ma propre nature et sur ma vraie vocation". Son quatrième mérite fut de conseiller son fils quant à l'orientation de ses recherches en matière de composition musicale. Très cultivée et fine psychologue, elle pouvait se le permettre. "Le médecin malgré lui" répondit à une préoccupation qu'elle lui exprima dès son séjour à la Villa Médicis, à savoir: ne pas se cantonner dans le genre sérieux. La première du Médecin fut donnée le 15 janvier 1858. Sa mère mourut le lendemain.

 

Jean-Pierre GOUNOD

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